Deuil périnatal

Le deuil périnatal est le décès d’un enfant avant la naissance, à la suite d’une interruption médicale de grossesse, d’une mort fœtale in utéro, ou d’une fausse couche spontanée. C’ est un deuil difficile, particulier, souvent occulté par la famille et l’entourage qui ne savent ni que dire ni que faire.

Le soutien et l’attention qui accompagnent le deuil sont parfois chichement donnés, ou même absents…L’indifférence , ou la gêne, ne sont jamais très loin.

L’incompréhension de l’entourage

La violence des propos reçus par ces jeunes parents leur est intolérable :

« Vous êtes jeunes, vous en aurez vite un autre » est un « classique » quasi inévitable dans le parcours du deuil périnatal.

« Il n’y a pas que toi qui a des soucis » , a entendu quelques jours après une IMG, une maman de la part de sa sœur enceinte…

« Je n’étais pas assez enceinte pour les intéresser… » me confie une jeune mère, qui a attendu des heures aux urgences alors qu’elle était en train de perdre son bébé à 4 mois de grossesse.

Les couples, les femmes sont donc contraints le plus souvent de suivre leur chemin de deuil périnatal « dans l’ombre ». Comment vont-ils supporter que leur douleur ne trouve pas de lieu pour être reconnue ? Comment ce bébé va-t-il pouvoir s’inscrire dans la lignée familiale ?

On occulte l’immense violence qu’ont dû vivre ces parents : l’annonce de la pathologie lors d’une échographie, la compréhension que le bébé ne bouge plus et le départ en urgence à la clinique, décider d’accepter une interruption médicale de grossesse, accoucher d’un bébé mort-né…

Un corps à se réapproprier

C’est pour les femmes se rendre compte qu’au lieu d’abriter la vie, leur corps désormais est l’espace de la mort : beaucoup témoignent de l’impression « d’être la tombe de leur enfant ». C’est parfois la première confrontation à la mort, parfois la première fois que l’on voit, touche un mort…Multiplication de chocs psychiques….

L’IMG les oblige à  affronter une « violence fondamentale » (Marie Josée Soubieux in « le deuil périnatal »),  avec des ambivalences de sentiments envers ce bébé mal formé ou atteint d’un pathologie létale à court terme.

deuil-perinatal« Morts avant de n’être »

Grâce aux travaux de l’équipe du C.H.U  de Lille, la reconnaissance institutionnelle de ces bébés « morts avant de n’être » s’est peu à peu améliorée, depuis ses balbutiements en 1986, à la possibilité actuelle de la déclaration à l’état civil d’un fœtus « né sans vie », quel que soit son poids et la durée de la grossesse.

Et il est important que soit inscrit dans le cercle des humains ce petit être. Car trop souvent les parents ont l’impression que cette courte vie est niée, gommée, oubliée… Le cimetière du Père Lachaise organise chaque premier mardi du trimestre une « Cérémonie du souvenir« , très belle cérémonie où l’on peut venir même pour un deuil très ancien, et qui permet d’inscrire dans la communauté humaine la trace de ces tous petits. Cela peut être extrêmement consolateur, et les femmes que j’accompagne dans le deuil périnatal me disent toujours leur gratitude d’avoir pu ainsi vivre un rituel collectif, parfois 20 ans après la mort de leur bébé.

Le chemin du deuil périnatal

Accompagner ces deuils particuliers est toujours très émouvant, très impliquant pour moi. Le principal est de profondément respecter ce que ces parents, ces femmes ont mis en place. Pour certains, une forme d’évitement de la mort a été la seule voie possible, ils n’ont pas eu envie de funérailles ou pas désiré voir le bébé à la naissance, laissé les photos à la maternité. Il n’y a pas de chemin de deuil idéal, avec des attitudes bonnes tandis que d’autres seraient toxiques.

C’est à partir de ce qui a été vécu, ressenti, décidé que l’accompagnement se fait.

Mais si des femmes viennent me voir, parfois des années après la mort d’un bébé, c’est bien parce qu’à un moment donné, elles éprouvent le besoin de « faire mémoire ».

Cela passe bien sûr par le récit très circonstancié de ce qu’elles ont vécu; et là aussi la mémoire du corps est extraordinaire : dès que le récit commence à se dérouler, toutes les scènes vécues remontent à la surface, et elles se rendent compte à quel point leur souffrance physique et psychique a été passée sous silence, parfois leur propre silence : « C’est en venant chez vous que j’ai appris à ne plus parler de ces fœtus comme des « trucs » », me dit M. qui a eu 6 fausses couches en quelques années.

Comment se sentir mère, père d’un enfant qui n’a pas, ou si peu, vécu ? Comment dire adieu au projet élaboré autour de cet enfant à naître ? Comment faire avec la culpabilité, la blessure narcissique , la dévalorisation qui découlent souvent de la perte d’un bébé ?

L’accompagnement du deuil périnatal

Le travail de symbolisation, d’élaboration de rituels aide, et c’est ensemble que nous construisons ce qui aura du sens pour elles.

Puis, je propose, toujours sans aucune obligation, une ou plusieurs séances de Respiration Holotropique, pour aider à transformer ce que le corps a pu garder en mémoire de la violence subie. Ce sont des moments très forts à vivre, qui amènent une réconciliation avec ce corps porteur de tant d’ambivalences depuis le décès du fœtus. Et qui proposent le plus souvent une très profonde et très intime consolation, permettant de transformer le sentiment d’échec et de se sentir vraiment mère de cet enfant là.  Il me semble encore plus important dans le deuil périnatal que dans les autres deuils, de travailler la perte dans le corps car il est en même temps le lieu de mémoire du fœtus mort et le lieu de transformation possible du psychisme. C’est d’autant plus important si d’autres grossesses sont prévues dans le couple.

Retrouver confiance en soi, en sa qualité d’être un bon parent, oser retourner vers le chemin de la vie, tel est le défi de ces parents endeuillés.

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Bibliographie :

Caroline Paquin, « La chambre vide » Ed de Mortagne ( témoignage)

Claude Haussaire-Niquet : « Le deuil périnatal », Ed Le Souffle d’Or

Marie-José Soubieux, « Le deuil périnatal » Ed.Fabert

René Frydman et Muriel Flis-Trèves « Mourir avant de n’Être » Ed.Odile Jacob