Souvenirs liés aux parfums
J’ai eu la chance de travailler pendant deux ans avec Claudine Vergne, aromatologue, à un moment où j’avais besoin de trouver de nouveaux moyens d’accès à mon insconscient. Ce fut une grande découverte : sentir une huile essentielle pendant quelques minutes, et tout un monde intérieur s’ouvrait à moi, le plus souvent surprenant! Et ce voyage m’apportait des résolutions à mes questions du moment.
Je ne suis pas devenue aromatologue, car il m’aurait fallu dégager beaucoup trop de temps pour faire la formation. Mais j’ai retenu le principe essentiel : Les senteurs amenées par les huiles essentielles informent les différentes zones de notre cerveau . Et les cellules olfactives réceptrices tapies au fond des fosses nasales donnent immédiatement accès à la mémoire émotionnelle.
Quelques expériences liées au parfum
J’ai donc pris l’habitude d’utiliser quelques huiles essentielles lors de séances dans mon cabinet, en suivant mon intuition.
Parfois certains patients m’affirment qu’ils n’ont pas, ou très peu, de souvenirs d’enfance. Ce qui, vous en conviendrez, est un obstacle important à la thérapie!
En faisant respirer quelques minutes une huile essentielle à une de mes patientes » sans souvenirs », L. s’est retrouvée dans les prés de son enfance, avant ce déménagement, qui reste une de ses vraies ruptures de vie. Elle a pu contacter la petite fille joyeuse et libre qu’elle était. Et, en comparaison , sentir la grisaille qui s’est emparée d’elle lorsqu’elle s’est retrouvée dans une banlieue triste.
Puis, elle a compris à quel point ses parents n’avaient pas pris en compte sa peine d’enfant, petite fille qui devait quitter cet environnement rural, chaleureux, sécurisant. Ils n’ont pas su, ou pu, être à son écoute. Ils ont minimisé son chagrin. La « leçon » qu’elle en a retenue fut de se dire » je bloque mes bons souvenirs, puisqu’ils me créent de la douleur, de l’incompréhension et de l’indifférence ».
Il a donc suffit de quelques minutes pour que le fil bloqué des souvenirs se dénoue, et qu’ainsi la thérapie puisse trouver un nouvel élan.
J’accompagne C. suite au suicide de son père, qui s’est donné la mort avec une arme à feu. Même si C. n’a pas découvert le corps de son père, mort dans le jardin familial, la scène s’est inscrite en elle, et tourne comme un disque rayé dans sa tête. Ce sont les prémices d’un syndrôme de stress post-traumatique. Et pour des raisons évidentes de mieux-être, il ne faudrait pas qu’il s’installe véritablement, jusqu’à devenir invalidant pour cette jeune patiente.
Et elle n’arrive pas à retrouver des images de son père d’avant le drame. Tout s’est figé à ce moment là, terrible instant.
A la fin d’une séance particulièrement douloureuse, je lui propose de s’apaiser avec une senteur douce. Mais cette huile essentielle va lui rappeler subitement des parfums du jardin familial. Quelque chose en elle se bloque. Elle se tait, comme choquée, et se met à pleurer. Doucement, je l’incite à élargir son ressenti et sa vision de la scène. Elle ose continuer et sent à ses côtés la présence de son père. Et, moment magique pour elle et moi, elle le retrouve » comme avant ». C. revoit des scènes d’enfant avec lui, jouant avec elle. Elle ressent sa bienveillance et leurs jeux ensemble.
Ainsi, sentir une huile essentielle ramène à des parfums d’enfance et permet de courcircuiter le mental, et de permettre la reviviscence de souvenirs importants.
C. a pu sortir de ce processus de mémoire traumatique, qui impose à l’esprit de manière répétitive et persécutive des images douloureuses. Le mouvement intérieur est relançé, et elle a de nouveau accès aux bons souvenirs liés à son père. Ce qui n’implique pas que son deuil est » terminé », mais cette séance lui a permis d’ouvrir un nouvel espace dans son chemin de deuil.
Soulager par les huiles essentielles
Pendant que je réfléchissais à ce court article, les synchronicités ont été nombreuses, et je suis tombée littéralement sur plusieurs articles abordant ce thème de l’aromathérapie !
Ainsi, Psychologies Magazine a édité un long article ce mois-ci sur » Les huiles essentielles réaniment l’hôpital« . Il explique que les services de gériatrie et de soins palliatifs ont été les précurseurs dans l’utilisation des huiles essentielles. L’article montre qu’il existe désormais tout un pan d’utilisation des huiles essentielles pour soulager des douleurs physiques. Mais ce n’est évidemment pas mon domaine d’application.
Ce que nous montre désormais les études, et les expérimentations en hôpital c’est la certitude que » la mémoire olfactive est la plus résistante au temps » ( Pr Philippe Robert, directeur du CMRR).
Il serait donc dommage de s’en priver lors d’un parcours thérapeutique de l’être : qui, sur une simple évocation, ne peut ressentir, presque respirer, goûter l’odeur d’un fruit, et, en quelques secondes y associer des souvenirs?!
Le psychothérapeute peut alors délicatement en tirer le fil pour ramener à la surface toutes les émotions qui y sont liées.