Un ami en deuil

Concept tristesse

Comment aider un ami en deuil?

Un ami vient de perdre sa femme, son enfant ou son parent, et nous nous retrouvons fort démunis.

Les personnes endeuillées se plaignent souvent des réactions de leur entourage : «  on me fuit », «  on ne me parle plus de mon mari ou de mon enfant », «  personne ne comprend ma peine », «  on me dit d’aller de l’avant »…

Ou plus dur encore : une jeune mère, 3 mois après la mort de son bébé me rapportait les propos de sa soeur: «  il n’y a pas que toi qui a des soucis » , alors que pour elle il s’agit véritablement d’un drame.

Les femmes veuves se voient moins invitées par leurs anciens couples d’amis, et vivent parfois un vrai isolement social et amical, comme si l’ancienne crainte des «  croqueuses d’hommes » perdurait dans l’inconscient collectif.

Mais plus généralement c’est une méconnaissance du deuil, et la peur instinctive de la mort, de notre mort, que vient réveiller ce décès, qui entrave l’aide que l’on peut/veut apporter à nos amis endeuillés.

Dans ce qui nous agite face au deuil d’autrui, c’est aussi l’envie de réparer, d’apaiser cette violente souffrance, en plaquant des réponses toutes faites. Or, il arrive souvent que nous n’ayons nous même pas encore connu de deuil majeur. On ne sait donc ni vraiment en quoi consiste le ressenti des endeuillés, on ne sait ni quoi dire, ni quoi faire.Wei beige Herzen auf Holz Hintergrund: Trauer, Liebe, Tod

Nous sommes donc souvent maladroits dans nos actions et nos paroles, même si elles partent de notre cœur et de notre envie de bien faire.

 

Faut-il alors s’abstenir ?

Il est évident que non, et qu’il vaut mieux prendre le risque de la maladresse amicale plutôt que de renforcer l’isolement et le sentiment intérieur de solitude qu’éprouve tout endeuillé.

Christophe Fauré, dans son livre «  Vivre le deuil au jour le jour »  rappelle quelques idées fausses :

  •  «  Il serait préférable de ne pas parler de la personne décédée pour ne pas accentuer la peine, comme si l’absence de parole allait conduire la personne en deuil à ne plus y penser ».

C’est effectivement absurde car si votre ami perçoit votre envie de silence, il/elle va alors aussi se taire, alors même que l’absence de l’être aimé est constamment dans ses pensées, jour et nuit.

Victor Hugo écrivait après la mort de sa fille Léopoldine : » Après l’avoir enseveli sous des tonnes de marbre, on l’ensevelit désormais sous des tonnes de silence« .

L’aider, c’est au contraire évoquer des souvenirs autour de la vie du défunt

  • «  Si je l’occupe cela va l’aider à penser à autre chose, en faisant pression pour que notre ami sorte, reprenne une activité ». C’est ne pas savoir qu’une personne en deuil n’a pas, et pour un temps plus long que vous pouvez l’imaginer, l’énergie suffisante pour cela.

L’aider, c’est proposer des petits pas, de petits temps de partage, en comprenant qu’il/elle parte au bout d’une demi-heure si la tristesse ou la fatigue l’emporte, en comprenant que l’ami se rétracte au dernier moment, en ne concluant pas qu’il ne sert à rien de lui proposer une sortie puisqu’il a refusé la dernière..Le chaos émotionnel du deuil est si intense que ce qui est possible un jour devient insurmontable le lendemain et inversement.

L’aider, c’est avoir une infinie compassion devant ces montagnes russes émotionnelles, et s’y adapter le plus possible.deuil-d-un-animal-de-compagnie

 

  •  Si je lui parle de généralités autour du deuil et plus encore de généralités spirituelles :      « elle souffrait beaucoup, c‘est peut être mieux ainsi », «  Il était âgé, c’est dans l’ordre des choses », «  tu as d’autres enfants, il faut que tu penses à eux désormais », cela revient à nier l’intensité de ce vécu de deuil, et à minimiser ce qui nourrissait cette relation.

C’est aussi avoir peur de ses propres émotions en remettant du mental, de l’intellectualisation dans le processus de l’autre.

L’aider, c’est ne pas avoir peur de la souffrance et des larmes de son ami. C’est parfois simplement se tenir en silence à ses côtés, sans savoir de solution en kit à proposer, et sans sombrer avec lui dans l’immensité de sa douleur.

 

  • «  Cela fait 6 mois, 1 an, 2 ans maintenant, ne pourrait il/elle pas tourner la page ? ». Les personnes en deuil nous disent souvent que passée la mobilisation des premières semaines, mois, le soutien s’éclaircit assez vite. Cela est en partie normal et inévitable, nous sommes tous dans une course un peu folle de vie, avec nous-mêmes de multiples tâches à accomplir, et peut être nous avons quelques problèmes personnels de vie à gérer.

Mais «  la véritable aide s’inscrit dans la durée, et la patience amicale va être mise à l’épreuve car la personne en deuil va répéter inlassablement les mêmes histoires, les mêmes interrogations. »

 

L’aider, c’est proposer des aides pratiques qui soulage énormément la personne en deuil, vite submergée par le poids des démarches administratives, des tris à faire, de la garde seul(e) des enfants, des nouvelles compétences à acquérir quand on devient un veuf ou une veuve….

 

L’aider, c’est ne pas dire «  tu appelles quand tu as besoin de moi », mais c’est être force de propositions, avec la plus grande simplicité de parole, et ne pas pour autant s’engager dans des promesses intenables, «  je serai toujours là pour tes enfants et pour toi » alors qu’on habite à 500 km et que notre vie personnelle est déjà très pleine.

L’aider, c’est écouter profondément l’autre tout en prenant en compte notre capacité d’engagement sur le moyen/long terme.P1010338

 

L’aider, c’est savoir que l’endeuillé va nous apprendre bien plus que nous ne l’imaginons : il nous met face au mystère de la mort, nous permet de penser à la nôtre et à celle de ceux que nous aimons, nous permet d’avancer un pas de plus dans notre humanité. Il nous permet d’ouvrir un peu plus notre cœur et d’accueillir les chagrins de la vie sans s’y perdre soi-même.

Il va nous permettre de grandir, en côtoyant notre angoisse fondamentale de mort. Ce n’est ni simple, ni confortable. Mais si nous acceptons cette plongée en nous même, la relation amicale peut atteindre une qualité, une intensité, une force rare.

Bibliographie : Christophe FauréVivre le deuil au jour le jour,Albin Michel : c’est LE livre à déposer chez votre ami en deuil, et à lire pour vous même, c’est un guide précieux pour tous.